Paralysie du système judiciaire : Les avocats plaident pour le déblocage de la situation

Le barreau du Burkina a observé un sit-in hier lundi 20 mai 2019, à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) puis quelques heures plus tard il a animé une conférence de presse. Ces activités ont été l’occasion pour les hommes en robes noires de dénoncer la paralysie totale du système judiciaire, génératrice de violation de droits humains et qui est la conséquence de conflits opposant l’Etat à ses agents.

 

Faisant le constat du blocage de l’appareil judiciaire, dû au mouvement d’humeur du corps des Gardes de sécurité pénitentiaire (GSP) depuis octobre 2018 d’une part, et de celui des fonctionnaires du corps des greffiers depuis le 19 avril 2019 d’autre part, les avocats réunis en assemblée générale le 22 avril dernier, ont décidé de la suspension de la participation des avocats à toutes les audiences des cours et tribunaux sur toute l’étendue du territoire pour 96 heures et la tenue d’une marche pour le respect de la justice et des droits humains et de la promotion civique. L’assemblée générale des avocats tenue à l’issue de cette marche a décidé de la poursuite de la suspension jusqu’au 6 mai 2019, date à laquelle l’assemblée générale, constatant que ces actions n’avaient pas été suivies d’effet a décidé de reconduire la suspension pour deux semaines, d’initier d’autres actions dont le sit-in que nous venons d’observer devant la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), la saisine des institutions internationales d’avocats (la conférence des bâtonniers de l’UEMOA, la conférence du des barreaux de l’OHADA, le PALU, l’Union internationale des avocats, la Conférence internationale des avocats de tradition juridique commune (CIB), etc.
«Il faut le dire, il ne s’agit pas pour le barreau d’arbitrer un différend, ni de prendre parti dans un conflit qui oppose l’Etat à ses agents», a souligné le bâtonnier, Me Paulin Salambéré. Il a expliqué qu’il s’agit à travers ces actions que certains dans l’opinion et dans la presse ont, par abus de langage, qualifié de «grève des avocats», de dénoncer la paralysie totale du système judiciaire génératrice de violation de droits humains et qui est malheureusement la conséquence de conflits opposant l’Etat à ses agents. Il a poursuivi que assurer le fonctionnement de la justice est une mission régalienne de l’Etat, et il est dès lors impératif pour l’Etat de faire observer en tout temps et circonstance les principes de continuité et de permanence qui lui sont consubstantiels.
«Cette situation de non fonctionnement de la justice en des pans entiers, qui prévaut depuis des mois dans notre pays, est une véritable négociation de l’Etat de droit devant laquelle le barreau, dans son rôle, ne peut se taire», foi de Me Salambéré. De ses dires, il ne s’agit donc pas d’une lutte syndicale, ni d’une lutte pour des intérêts corporatistes, encore moins d’une lutte de chapelle politique comme certains ont tenté maladroitement de le faire croire. Il s’agit d’un combat pour des principes, pour le respect des droits, pour le respect de l’Etat de droit.
Par ailleurs, le bâtonnier a affirmé avoir appris que les fonctionnaires du corps des greffiers, suite à un accord avec l’Etat, reprendrait leurs activités dès ce lundi, «Si tel est le cas, nous nous en réjouissons et saluons l’esprit de dialogue qui a prévalu de part et d’autre pour parvenir à cette reprise. Reste à présent le blocage de la chaine pénale occasionné par ce qui est qualifié de mouvement d’humeur» de la GSP. Ce mouvement faut-il le rappeler, perdure depuis maintenant près d’un an et a des conséquences qui font d’elle une «tragédie» qu’il est urgent de faire cesser et cela à en croire les avocats est de la responsabilité de l’Etat.
Me Salambéré a précisé que cette tragédie ne concerne pas seulement les détenus et/ou les avocats. Au regard de la situation sécuritaire dans laquelle nous nous trouvons actuellement, celle-ci fait peser une véritable menace sur notre pays, en ce qu’elle instaure un sentiment d’impunité généralisée pouvant ouvrir la voie à l’accroissement de la délinquance. «Nous osons espérer qu’au-delà de toute considération, les deux parties, l’Etat et le corps des GSP sauront renouer le fil du dialogue tout comme cela a été le cas avec les greffiers, afin que la justice pénale reprenne également son cours et que l’Etat de droit reprenne ses droits au Burkina», a souhaité le bâtonnier. Les avocats ont indiqué suivre avec attention l’évolution de la situation et que l’AG souveraine restant saisie de la question, elle fera le point de la situation et des actions en cours et décidera de la suite à donner au cours de sa séance du 27 mai prochain.

Thierry AGBODJAN

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