Procès putsch manqué : « La 108.0 émettait dans l’illégalité », sergent Pagbelem
Débuté le mardi dernier, l’interrogatoire du sergent Hamidou Pagbelem s’est poursuivi hier mercredi 29 août 2018, à la salle des banquets, tenant lieu de tribunal militaire. Ainsi, tout comme la veille, Il est resté droit dans ses souliers quant aux missions qu’il a effectuées avec son binôme, le sergent Lamoussa Badoum. A l’en croire, ils n’ont utilisé aucune violence pour procéder à l’exécution desdits missions et que leur visite à Savan FM était d’arrêter une radio qui émettait illégalement.
L’interrogatoire du sergent Hamidou Pagbelem débuté le mardi 28 juillet 2018, s’est poursuivi ce mercredi 29 août 2018. Les questions du parquet et des avocats des parties civiles ont tourné autour des missions effectuées par l’accusé et le rôle qu’il a joué au cours desdites missions. Bien entendu, il n’est pas revenu sur sa déclaration selon laquelle il ne reconnait pas les faits qui lui sont reprochés ; même s’il reconnait avoir effectué des missions à la radio Oméga FM et à la radio Savane FM. Accusé donc par le directeur général de la radio Oméga d’alors, l’accusé dit ne pas se retrouver dans ses déclarations. Il faut rappeler qu’au moment des faits, des éléments du RSP ont fait irruption à la dite radio afin d’interrompre l’émission. Ils ont menacé le directeur avec une arme et ont même procédé à des tirs en l’air avant d’incendier des motos qui se trouvaient devant la radio, a déclaré le directeur ; une déclaration citée par le procureur militaire. L’accusant niant les faits, ne va pas convaincre le procureur militaire qui va faire cette déclaration : « c’est vous qui êtes allez chez lui. Si vous êtes resté au camp, il n’allait pas vous accuser ». Si le sergent a reconnu avoir effectué des missions auxdites radios, mais nie avoir posé les actes pour lesquels il est accusé ; il va confier n’avoir effectué d’autres missions en dehors des radios. Il sera pris à contre-pied par le parquet militaire. Afin de prouver la mauvaise foi du sergent Hamidou Pagbelem, il va citer le DG de l’ARCEP qui accuse le sergent et deux de ses frères d’armes d’avoir saccager les locaux de l’ONATEL dans le but de couper internet.
Pour montrer la culpabilité du prévenu, il va rappeler que malgré le communiqué du Chef d’Etat major général des armées, le général Pingrénoma Zagré, au moment des faits, le sergent a fait fi et est resté à son poste jusqu’à la veille de l’assaut des éléments venus des provinces. Il faut rappeler que ledit communiqué donnait jusqu’au 22 septembre aux éléments de l’ex-RSP, de quitter le camp Naaba Koom II et de rejoindre leur lieu d’affectation. A la question du ministère public de savoir pourquoi l’accusé est resté jusqu’à la veille de l’assaut avant de plier bagage ; il va répondre en ses termes : « dans mon service, le sergent est le moins gradé. Je ne peux pas quitter mon poste tant que mes supérieur sont toujours là ». Il va soutenir d’ailleurs que s’il a quitté le camp, c’est sur ordre de son supérieur hiérarchique, le major Harouna Tarpaga. Une fois de plus, il ne va pas réussir à convaincre le procureur militaire qui va lui rappeler qu’il avait déclaré devant la barre que exécuté les ordres constitue la force de l’armée. Se basant sur cette déclaration faite par l’accusé, il va conclure qu’il se contredit. Il s’explique en soulignant que le communiqué demandant aux éléments de quitter le camp avant le 22 septembre, a été fait par le plus haut gradé de l’armée ; par conséquent poursuit-il, il devait exécuter et rejoindre le corps auquel il a été affecté. Pour le procureur s’il est resté alors que certains de ses frères d’armes ont quitté le camp, c’est simplement pour soutenir ceux qui sont restés pour contrer l’assaut. Ne partageant pas l’avis du procureur militaire, le sergent va indiquer que les affectations se font par note et non par communiqué.
Volant au secours de son client, Me Ignace Tougouma va déclarer que le sergent Hamidou Pagbelem fait partie de ceux dont leur témoignage est clair. Pour preuve, il souligne que ses témoignages concordent avec ceux du sergent Lamoussa Badoum avec qui il a effectué les missions. Croyant à la sincérité de ce dernier, il va déclarer : « je ne vois pas pourquoi il faut chercher des poux sur une tête rasée ». Il renchérit : « mon client n’a pas le choix d’un camp. Il est resté au camp jusqu’au 28 car il n’avait pas eu l’accord de ses supérieurs hiérarchiques pour partir , contrairement à ce que di la partie civile qui estime qu’il est resté pour apporter son soutien aux putschistes ». Il va poursuivre en reconnaissant que le 16 septembre, son client avait appris à travers les informations sur les radios que les autorités de la Transition ont été arrêtées et elles disaient également qu’elles allaient revenir pour plus amples informations. Cependant relève-t-il, il ignorait qu’il s’agissait d’un coup d’Etat. « De même, il ne savait pas que les missions qu’il effectuait entraient dans le cadre du putsch » a-t-il soutenu.
L’avocate de la défense, Me Zaliatou Aouba va apporter son soutien à l’accusé et son conseil en indiquant que si l’on reproche au sergent Pagbelem d’avoir agi dans l’illégalité pour avoir arrêté la 1080, la radio Savane FM était aussi dans l’illégalité. Elle justifie ses propos par le fait qu’elle a permis à une autre radio d’utiliser ses locaux et son matériel pour émettre sur une fréquence illégalement obtenue. Le parquet militaire bien que partageant son avis, va lui rappeler ceci : « on ne répare pas une illégalité en créant une autre ». Si un peu plus haut, le sergent a déclaré avoir exécuté des ordres militaires en effectuant les missions tout en indiquant n’avoir pas pris part au coup d’Etat ; Me Hawa Sawadogo représentant la radio Savane FM ne partage pas cet avis. Elle estime qu’il y a un lien d’une connexion évidente entre le saccage de Savane FM et le coup d’Etat. Pour elle, c’est parce que cette radio appelait à la résistance face au putsch qu’elle a été visitée par les éléments du RSP ; contrairement à ce que veuille faire croire l’accusé. Sûr donc de son analyse, elle a invité le Tribunal à constater ces faits qu’elle estime sont clairs.
Thierry AGBODJAN