Politique : « Le Burkina Faso a mieux réussi là où nous nous avons échoué », dixit Me Paul Dodji Apevon, avocat et opposant politique togolais

Depuis des lustres, la politique burkinabè passionne tant de monde. Au-delà des frontières burkinabè, politiciens, citoyens lambda connaissent l’histoire du père de la révolution Thomas Sankara,ils connaissent la bravoure du peuple burkinabè qui a dit non au désir du président Blaise Compaoré de vouloir se maintenir au pouvoir. Bref, les peuples au-delà des frontières du Burkina Faso ont une connaissance de la politique burkinabè. Lors de son passage au Pays des hommes intègres, le député à l’Assemblée nationale togolaise, opposant politique, président des Forces démocratiques pour la république (FDR), l’avocat Paul DodjiApevon s’est prêté à nos questions en ce qui concerne la politique burkinabè, comment est-elle menée, la capacité des dirigeants actuels à asseoir une démocratie.

Entant qu’homme politique, vous suivez de près la politique en Afrique et dans le monde. Quelles sont vos connaissances de la politique burkinabè ?
Brièvement, je dirai qu’après l’indépendance du Burkina Faso en 1960, le pays a connu des troubles politiques notamment avec des coups d’Etat qui ont porté des présidents au pouvoir. Parmi ces présidents, celui qui aura le plus marqué son temps est le capitaine Thomas Sankara. Ce dernier s’est distingué par des idées non seulement novatrices qu’il a apporté pour le développement de son pays, mais aussi progressistes pour l’Afrique. Très tôt, il a compris que seul le peuple est souverain et il s’est appuyé sur lui pour réaliser des projets de développement. C’est avec son arrivée au pouvoir et les actions qu’il posait à l’époque que nous avons véritablement commencé à s’intéresser à la politique burkinabè. Malheureusement, il sera assassiné parce que certains n’acceptaient pas ses discours où sa position.Son fidèle compagnon Blaise Compaoré a régné sur le Burkina Faso pendant 27 ans. Malheureusement, après plus d’une décennie passée à la tête du pays, il a pris goût et a voulu modifier encore une fois de plus la loi fondamentale pour un nouveau mandat. Il n’a pas pu le faire, car, le peuple va exprimer son ras-le-bol les 30 et 31 octobre 2014. Le peuple prit en effet son destin en main et mit fin au régime de Blaise Comparé à la suite d’une insurrection populaire. Il s’agit là d’une bravoure que nous avons tous salué, car, devant l’artillerie qui a été déployée par le régime à l’époque, ce n’était pas évident. Je tire mon chapeau à ce peuple burkinabè. Il a tout simplement vaincu ceux qui ne voulaient pas de l’alternance. C’est un bel exemple aux peuples d’autres pays africains où il n’y a pas d’alternance.

Les autorités en place ont contribué à la gestion du pourvoir pendant ces longues années. Pourront-elles apporter du nouveau à la démocratie voulue par le peuple insurgé?

Je ne pense pas que ceux à qui le peuple burkinabè a confié sa destinée aujourd’hui peuvent être tentés de conduire cette même population vers la confiscation de sa liberté. Ils n’ont d’ailleurs pas intérêt à vouloir tenter cela une seule seconde fois, car, le peuple burkinabè a montré à travers cette insurrection qu’il est aujourd’hui mature, vigilant. Sijamais un dirigeants’hasarde à jouer à un jeu qui va à l’encontre de ses aspirations de ce peuple, il risque de regretter amèrement. En réalité, les mêmes causes produisant les mêmes effets, si les dirigeants actuels ne tirent pas leçon de ce qui s’est passé, ils connaitront la même chose qu’a connue le régime déchu. Je dirai d’ailleurs que l’insurrection qu’a connue le Burkina Faso n’arriverait pas si les ex-collaborateurs du président déchu n’avaient pas compris qu’il était temps de se mettre du côté du peuple. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’hier, ils ont travaillé avec l’ancien président qu’aujourd’hui, ils ne peuvent pas être les démocrates voulu par le peuple insurgé.

Si on vous demandait de faire une comparaison de la démocratietelle qu’elle est conçue et comprise au Burkina Faso et au Togo, que diriez-vous ?

La politique telle qu’elle est faite au Burkina Faso et au Togo n’est pas la même et n’est pas comparable. On parle ici de deux peuples différents, de deux cultures différentes. Cependant, je peux vous rappelez qu’au moment où le peuple togolais excédé par des années de parti-état dans les années 90 a décidé de prendre son destin en main en faisant sa révolution de 92, le peuple burkinabè vivait une forme politique différente. Le Togo qui avait déjà fait sa révolution en cette année a été vite rattrapée par la réalité. Nous les togolais, nous avons été simplement englué dans des contradictions et le Burkina Faso a mieux réussi là où nous nous avons échoué. Aujourd’hui, sur certains plans, la situation dans laquelle se trouvent les Burkinabè est enviable.Mais, il faut le reconnaitre, c’est à travers des sacrifices et la volonté d’un réel changement que ce peuple est arrivé là où il est aujourd’hui.

Un mot à l’endroit des autorités ou du peuple burkinabè ?

A l’endroit des autorités burkinabè, je ne peux que les encourager. Elles doivent savoir que face à l’oppression, à la dictature, aux intentions occultes de certains présidents de la sous-région de vouloir biaiserla victoire acquise dans le sang et la souffrance, le peuple est resté debout comme un seul homme. Par conséquent, il est aujourd’hui de leur devoir de rendre hommage à ce peuple en gouvernant pour son intérêt. Elles doivent également gouverner en rendant hommage à ceux qui se sont sacrifiés pourque triomphe la démocratie. Durant les moments difficiles, les responsables politiques sont restés unis et c’est ce qui a aussi contribué à la réussitede l’insurrection. Je souhaiterais qu’ils ne s’arrêtent pas en si bon chemin dans leurs bonnes œuvres. Ils doivent, en effet, aller plus loin car l’objectif final, c’est le mieux-être des populations. Travailler à ce que le peuple insurgé ou le paysan dans son champ se sente à l’aise. Les autorités en place doivent faire en sorte pour que l’on sache que l’insurrection populaire a servi à quelque chose.
Je tire encore une fois de plus mon chapeau au peuple burkinabè. Il a montré un bel exemple de lutte pour la démocratie non seulement aux peuples des pays africains, mais aussi aux peuples du monde entier qui ont soif de liberté, de justice, de démocratie, de développement.

Merci

Un entretien réalisé par Alex SAWADOGO

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