Procès putsch manqué : Le chauffeur du général parle
L’interrogatoire du caporal Massa Saboué s’est poursuivi le mercredi 5 septembre 2018. Le chauffeur du général Gilbert Diendéré qui n’a pas reconnu les faits de complicité d’attentat, de meurtre et de coups et blessures qui pèsent contre lui, s’est expliqué.
C’est à la suite d’un coup de fil de son supérieur, l’adjudant-chef Vincent Simporé, que le chauffeur du général Gilbert Diendéré, le caporal Massa Saboué qui était de repos s’est rendu au service. Selon ses explications, il lui a dit qu’au camp ça ne va pas et que le quartier est consigné. Etant chauffeur du général depuis 2008, il dit s’être rendu au domicile de ce dernier où il a pris service le 18 septembre. C’est durant sa prise de service, que le prévenu a confié être sorti avec son supérieur le 27 de même que le 29 où il l’a conduit à la villa Kilo, après à l’ambassade des Etats-Unis, ensuite au palais, enfin à la Nonciature. Il souligne que pour ce qui est de l’étape palais et Nonciature, ce n’est plus lui qui était au volant, mais il était assis dans le même véhicule que le général. Le prévenu poursuit en indiquant qu’à la Nonciature, le général étant rentré, les coups de feu devenaient intense ce qui a amené ceux qui faisaient partie du cortège y compris lui à se chercher selon ses mots. Ce détail n’a pas échappé le procureur militaire qui va lui demander à savoir s’il connaissait la cours dans laquelle il s’est caché quand il s’est cherché. L’accusé va répondre par la négation. Le procureur militaire va alors lui confier que c’est à la justice civile et même qu’il a caché sa tenue militaire sous la table du procureur sans se rendre compte. L’observation qu’il a faite est que c’est prémonitoire.
La partie civile taille le caporal
Il faut rappeler qu’après la déroute des putschistes, certains ont rejoint leur nouveau corps d’affectation. C’est le cas du caporal Massa Saboué qui a été muté à Bobo. Dans son nouveau corps, l’ex-élément du RSP, va tenter de s’en fuir en Côte d’ivoire où il a été interpellé par la gendarmerie à la gare au moment où il prenait des renseignements. S’il n’a pas nié ce fait, il va refuser de donner les raisons qui l’ont poussé à vouloir déserter. Le procureur militaire le sait et l’a partagé avec le public en lisant la déclaration faite par l’accusé devant le juge d’instruction et qui est consignée à la côte I 149 du procès-verbal. En substance, la déclaration dit ceci : « je fuis parce que je suis sous prêt bancaire, on coupe la moitié de mon salaire. Avec la dissolution du RSP et avec pour corolaire la perte des avantages qu’on avait, je ne pourrai plus vivre décemment ; d’où l’idée de m’en fuir. On nous traite mal. Ce n’est pas tous les éléments au RSP qui cautionnent le coup d’Etat. Je suis découragé de l’armée, je n’ai plus l’amour pour la tenue militaire ». Sans tergiverser, le prévenu a reconnu cette déclaration.
Me Sawadogo, Avocate de la partie civile, qui n’a jamais doutée de la culpabilité du caporal va se baser sur cette déclaration pour demander à l’accusé qui a rejeté les faits qui lui sont reprochés à savoir, s’il n’a rien à se reprocher, pourquoi vouloir fuir ? La réponse de l’accusé fut : « je suis venu dans l’armée de moi-même et si je veux je peux repartir de moi-même ». Cette réponse va réconforter l’avocate dans sa position qui va déclarer : « donc on peut venir dans l’armée et repartir comme on veut ». Me Séraphin Somé, avocat de la partie civile aussi, va lui rappeler que l’acte qu’il a tenté de poser est qualifié de désertion et la loi prévoit des sanctions de ce sens a-t-il soutenu. Se basant donc sur les propos du prévenu selon lesquels : « je suis découragé de l’armée, je n’ai plus l’amour pour la tenue militaire », il va lui demander si aujourd’hui, il a retrouvé l’amour pour la tenue. Massa Saboué va répondre par ses mots : « je suis militaire et je porte la tenue ». Face donc à son refus de répondre l’avocat va faire observer que c’est dangereux pour la simple raison qu’il avait déclaré qu’il n’a plus d’amour pour une tenue qu’il porte et qu’aujourd’hui il refuse de se prononcer.
Estimant dans ses propos que la dissolution du RSP a été brutal et que les éléments méritent d’être mieux traités qu’ils l’ont été, Me prospère Farama lui aussi de la partie civile va lui poser la question de savoir s’il trouve la dissolution du corps brutal, comment qualifierait-il l’arrestation des autorités de la transition ? L’ex-élément du RSP va répondre : « je n’étais pas là au moment de leur arrestation ». L’avocat faisant part de sa position va déclarer : « si vous arrêtez les autorités ce qui ne s’est pas fait de façon agréable, ne vous attendez pas à ce qu’on vous traite avec cœur ». Il poursuit en lui posant une autre question qui est de savoir quand il a déclaré que de nombreux éléments du RSP vont déserter l’armée en faisant allusion aux avantages perdus après la dissolution du corps ; de quel avantage parlait-il ? Le prévenu sera bref dans sa réponse : « chacun à un programme ». Sans avoir réussi à convaincre Me Farama, ce dernier va affirmer que si certains éléments ont décidé de résister malgré la dissolution du corps c’est justement à cause de ces indemnités. Au regard donc des différentes observations faites, et des réponses données par le prévenu, le procureur militaire va conclure qu’il y a complicité.
Il faut rappeler au passage que l’accusé a confié avoir reçu la somme de 50 milles francs CFA, de la part du sergent Mahamadi Zalé afin de payer à manger à ses hommes.
La riposte de la défense
Afin de prouver l’innocence du caporal Massa Saboué, l’avocat de la défense, Me Welkuni va faire observer que le chef du caporal qui la appelé pour lui demander de prendre service alors qu’il était de repos n’est pas poursuivi. Il indique qu’il est de même pour celui qu’il a remplacé le 18 et qui a conduit le général les 16 et 17. Pour son avocat, Me Bouba Bama jusqu’au 29, il n’y a pas de mandat d’arrêt lancé contre le général et que du statut de son client, il ne peut pas se tenir devant ce dernier pour lui dire qu’il ne va plus le conduire sous prétexte que le corps a été dissout. Cette observation est faite pour répondre au camp d’en face qui accuse le caporal d’avoir été complice du coup d’Etat en refusant de quitter le général. C’est l’exemple de Me Séraphin Somé qui va déclarer : « vous avez eu l’occasion de se mettre dans la légalité, mais vous avez refusé et décidé de se mettre dans l’illégalité ». Ne partageant pas les propos du camp d’en face, Me Bouba Bama a demandé au président du Tribunal de comprendre son client.
Thierry AGBODJAN