Saisine des Nations Unies par les avocats de Bassolé : L’image de notre démocratie en jeu

Le dossier Djibril Bassolé ne cesse de retenir l’attention de l’opinion nationale et internationale. Et, ce par les cas d’insuffisance juridique qui jalonne l’instruction. Au vu du nombre de cas de violation des droits de  Djibril Bassolé, l’on peut aisément douter de la pertinence de sa détention.

Une situation qui a certainement conduit les avocats de Bassolé à saisir le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.

En effet, Le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a été saisi, le 15 septembre 2016 par les avocats de Djibril Bassolé. Ils ambitionnent, via cette saisine, dénoncer le caractère arbitraire de la détention de leur client qui dure depuis le 29 septembre 2015. En rappel, la détention de Djibril Bassolé s’inscrit dans le cadre de l’instruction judiciaire du dossier du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 conduite par le tribunal militaire de Ouagadougou.

Nous apprenions que le cas de Djibril Bassolé sera examiné durant la 78eme session du conseil des droits humains qui se tiendra à Genève du 19 au 28 avril 2017.

Cet examen du cas Djibril Bassolé, nous impose un certain nombre d’interrogations dont les plus importantes sont les suivantes : Quelles sont les chances de Bassolé d’avoir raison qu’il est victime d’un traitement arbitraire ? Quelle influence celui-ci peut avoir sur l’image de notre démocratie ?

Des chances de Bassolé de justifier le caractère que sa détention est arbitraire.

Les avocats de Bassolé sont invités à plaider la cause de leur client devant le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire à la suite des explications fournies par le gouvernement du Burkina Faso. En effet, suite à sa saisine, le groupe de travail des Nations Unies a invité le gouvernement Burkinabè à fournir des explications afin, certainement de l’éclairer sur sa position sur le dossier. Malgré ces explications, force est de constater que les avocats de Bassolé ont plusieurs atouts qui militent en leur faveur.

Le premier atout des avocats de Bassolé est que l’intéressé n’est pas anonyme. Il est plutôt bien connu et  même bien apprécié dans le monde de la diplomatie et des organisations internationales. En effet, ministre des affaires étrangères du Burkina, médiateur dans de nombreuses crises en Afrique de l’ouest et médiateur en chef conjoint des Nations Unies et de l’Union Africaine pour le Darfour. Cette notoriété ne lui garantira pas certainement pas l’impunité mais disons qu’elle lui permettra de bénéficier à priori de toute la rigueur dans l’étude de son cas.

Le second atout de la défense de Bassolé est que son arrestation et sa détention sont mises en relation avec son exclusion des élections présidentielles de 2015. Une certaine opinion soutient volontiers que son arrestation fut orchestrée par les autorités de la transition et avait pour seul but de l’écarter définitivement de la course à la magistrature suprême aussi de la campagne électorale présidentielle et législative. Pour s’en convaincre, il faut considérer l’entêtement fait par le gouvernement de la transition malgré l’arrêt de la CEDEAO du lundi 13 juillet 2015 à Abuja qui qualifiait l’exclusion de non conforme au principe de la CEDEAO. Il est clair que la défense de Bassolé ne manquera pas d’arguments pour étayer le fait que leur client ait été privé d’un droit fondamental, celui de participer à des élections démocratiques.

Le troisième atout de défense de Bassolé, est que le Tribunal militaire de Ouagadougou qui a en charge du dossier du putsch est un tribunal d’exception. Or les tribunaux d’exception sont mal perçus par les organismes de droit de l’homme. Ainsi par nature, le tribunal militaire n’est pas conforme au standard établi par la communauté internationale en matière de justice.

Un message que maître Herman Yaméogo a souligné dans son livre « On supprime ou on supprime ». Il ressort que le tribunal militaire de Ouagadougou présente de nombreuses lacunes dans son organisation et son fonctionnement pour garantir aux justiciables un procès équitable. Dans tous les cas, l’on doit retenir que les juridictions d’exception comme le tribunal militaire du Burkina Faso sont plutôt perçues d’un mauvais œil par les organisations en charge des droits humains.

Parlant de lacunes, l’on peut noter les nombreuses irrégularités qui émaillées la conduite du dossier Bassolé et qui ont défrayé la chronique. Ces dernières ont été présentées par les avocats de Bassolé comme des graves violations de ses droits fondamentaux.

La plus symptomatique de ces violations fut l’éviction des avocats étrangers qui avaient été régulièrement constitués pour assister et défendre les droits de Bassolé et d’autres personnalités inculpées dans le putsch manqué.

On se souviendra que le juge d’instruction militaire en date du 26 novembre 2015 prenait une ordonnance pour exclure les avocats africains et français en évoquant les dispositions de l’article 31 du code de justice militaire qui stipule que :  « La défense devant les tribunaux militaires est assurée  par les  avocats inscrits  au  barreau  ou  admis  en  stage,  ou  par les  Officiers  ou  Sous-Officiers  militaires  agrées par le Ministre de la Défense. Sous  réserves  des  dispositions  particulières  prévues  par  les  conventions internationales,  les  Avocats  de  nationalité  étrangère  ne  sont  pas  admis  devant  les  tribunaux militaires. »

Cette décision, selon certaines sources indiscrètes, aurait été imposée au juge d’instruction militaire par les autorités de la transition. Car, elles n’avaient pas apprécié que l’un des avocats de Bassolé, en la personne du Français Alexandre Varaut déclare sur les médias que le dossier de son client est vide. Nous avons assisté à de vives contestations des avocats de la défense ainsi que la conférence des barreaux de l’UEMOA qui jugèrent la décision aux antipodes des principes de justice.

Contre cette décision, la cour de cassation du Burkina Faso et la cour de justice de la CEDEAO saisies par les avocats de Bassolé donnèrent raison. Ainsi en Mai 2016, la chambre de contrôle de l’instruction a rendu un arrêt autorisant les avocats étrangers a assisté Bassolé plus de 8 mois après leur éviction.

Au-delà de ces aspects que l’on pourrait considérer de forme, le fond du dossier lui-même requiert inquiétude. Il s’agit ici, de la capacité de justifier les raisons de son arrestation et de son incarcération. Sur ce point, force est de reconnaitre que l’opinion publique, au vu de l’évolution de la procédure, a commencé depuis un certain temps à émettre de sérieuses réserves quant au bien-fondé de sa détention prolongée. L’on sait que le Général Diendére, auteur du coup d’Etat, a dès les premiers moments de la procédure disculpé Bassolé en affirmant publiquement que Bassolé n’a pas été impliqué dans le coup de force du 15 septembre 2015 et que les raisons de son arrestation sont ailleurs. Alors si l’on s’intéresse au seul élément que le tribunal militaire brandit jusqu’à ce jour, en l’occurrence les présumées écoutes téléphoniques, on remarque que le doute s’installe dans l’opinion quant à la fiabilité et la régularité de ces écoutes. Plus d’un se demandent pourquoi, Guillaume Soro, le principal interlocuteur présumé est hors de cause ? Pourquoi les poursuites le concernant ont été abandonnées? Le fameux enregistrement a finalement été expertisé un an après le début de la procédure une situation, qui pousse toute personne cherchant la vérité à se poser maintes questions dont la plus urgente est : Pourquoi autant de temps pour un acte aussi capital pour la procédure ? A ce jour, l’origine de cette fameuse prétendue écoute téléphonique reste jusque-là inconnue, et l’identité de son auteur reste encore un mystère pour l’opinion et pire pour le tribunal militaire. En tout état de cause la diffusion de la bande sonore le 12 décembre 2015 sur internet et les medias ainsi que les commentaires qu’en ont fait les autorités de la transition prouvent qu’il s’agit d’une preuve judiciaire montée et manipulée à des fins politiciennes.

Au regard des éléments indiqués, l’on peut dire que la conduite de l’instruction judiciaire sur la présumée implication de Bassolé donne sans conteste des arguments de taille que Me Antoinette Ouédraogo et Alexandre Varaut feront prospérer, auprès du groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, pour indiquer le caractère arbitraire de la détention de Bassolé.

De l’influence sur l’image de notre démocratie       

Le rapport du gouvernement du Burkina Faso établi par le ministre de la justice et des droits humains René Bagoro permettra de donner les explications nécessaires quant aux actes qu’a posés le tribunal militaire de Ouagadougou. Au-delà de la requête de la défense de Bassolé et des explications fournies par le gouvernement burkinabè, il est de coutume que le groupe de travail procède à des investigations avant de se prononcer sur les cas qui lui sont soumis.

A cet égard, le traitement du dossier médical de Bassolé ne manquera  pas d’attirer le regard des enquêteurs et indiquera dès lors l’état de violation continuelle de droits fondamentaux de Bassolé. Parlant de son dossier de santé, il est pertinent que l’on jette un regard sur l’incident de l’intrusion d’agents des forces de l’ordre dans la clinique privée qui l’accueillait,  à des heures indues. Une intrusion qui semble avoir été orchestrée pour faire obstacle à l’évacuation de Bassolé comme l’ont recommandé son médecin traitant, le médecin de la MACA et l’ordre régional des médecins. L’acharnement à vouloir garder coute que coute Bassolé en prison semble dépasser même les magistrats militaires du tribunal qui subissent des pressions dont tout le monde est conscient aujourd’hui. Pour preuve, l’on note que tous les acteurs de premier rang du putsch sont en liberté provisoire depuis des mois déjà. L’on a assisté à la mise en mise en liberté de tous ceux, qui ont demandé des libertés provisoires pour raison de santé.

Le traitement particulier que subit Bassolé devient incompréhensible voire inhumain.

Le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, par ses propres investigations sera certainement édifié par les graves violations à répétition des droits fondamentaux de Djibril Bassolé par la justice militaire et l’administration de l’Etat burkinabè. Quand cela arrivera, c’est l’image de notre démocratie qui prendra un coup. Pire cela jouera sur nos relations avec les partenaires internationaux.

Nous osons espérer  que les conclusions du groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, même si elles n’ont pas de valeur juridictionnelle marqueront une étape importante dans le cas de Djibril Bassolé et permettra aux autorités de se ressaisir pour l’intérêt de notre nation. Car, la mondialisation commande un certain nombre de principes et de valeurs.

Kaboré Jean, Enseignant à la retraite

jclaudebf@gmail.com

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