Pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme : La loi a été votée
Les députés ont voté à l’unanimité, le jeudi 19 janvier 2017, la loi portant création, organisation et fonctionnement du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme. C’est le ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, Bessolé René BAGORO qui a défendu le projet de loi au nom du gouvernement. Cette loi comporte des innovations tenant à la réorganisation du travail au sein de la juridiction abritant ce pôle, et à un réaménagement des règles de compétences matérielle et territoriale.
OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LA LOI
Objectif global
La loi crée un pôle judiciaire spécialisé au sein du Tribunal de grande instance Ouaga II, en vue de centraliser et de coordonner la répression des actes de terrorisme les plus graves et le financement du terrorisme au Burkina Faso.
Objectifs spécifiques
De manière spécifique, il s’agit :
de poser le principe de la compétence concurrente entre les juridictions de droit commun et celle abritant le pôle spécialisé pour les infractions relevant du projet de loi ;
d’étendre la compétence territoriale de la juridiction qui abrite le pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme ;
d’organiser la procédure de dessaisissement des juridictions antérieurement saisies des affaires visées dans le présent projet de loi ;
de déterminer les infractions qui entrent dans le champ de compétence matérielle du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme ;
de mettre en place un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme comprenant une section spécialisée du parquet, des cabinets d’instruction spécialisés et une chambre de jugement spécialisée ;
de prévoir le concours des assistants spécialisés des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières et la criminalité organisée ;
de prévoir des dispositions transitoires relatives à la désignation des officiers et agents de police judiciaire spécialisés pour les enquêtes en matière de terrorisme.
CONTENU DE LA LOI
Elle comprend vingt-deux (22) articles répartis en quatre (04) chapitres.
Le chapitre 1 est relatif aux dispositions générales.
Ce chapitre consacre une dérogation à la compétence de droit commun des juridictions telle que découlant de la loi 10/93/ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire et du code de procédure pénale et donne une compétence territoriale étendue au Tribunal de grande instance Ouaga II, en son pôle spécialisé, pour connaître des infractions de terrorisme et de financement du terrorisme. La compétence d’attribution de la juridiction abritant le pôle est concurrente à celle des juridictions de droit commun.
Il lui donne en outre compétence exclusive pour connaitre des infractions commises hors du territoire national, dans une représentation diplomatique du Burkina Faso, à bord d’un navire battant pavillon burkinabè ou d’un aéronef immatriculé conformément à la législation burkinabè d’une part et d’autre part, lorsque l’acte touche aux biens ou aux intérêts du Burkina Faso ou fait une victime burkinabè.
Le chapitre 2 traite de l’organisation et du fonctionnement.
L’organisation du travail est marquée par la présence d’acteurs spécialisés que sont la section spécialisée du parquet, les juridictions d’instruction spécialisées et la chambre de jugement spécialisée. Il règlemente le mode de désignation des acteurs spécialisés.
Le chapitre 3 est relatif à la procédure.
Il prévoit la conduite des enquêtes dès la commission de l’infraction par les parquets de droit commun jusqu’à la saisine éventuelle du pôle judiciaire spécialisé.
Il donne la prérogative au procureur du Faso près la juridiction abritant le pôle de se saisir d’une affaire, après concertation avec le procureur du Faso du lieu de la commission des faits.
Il consacre en outre, la possibilité de dessaisissement d’un juge d’instruction au profit de celui de la juridiction abritant le pôle judiciaire spécialisé par ordonnance du président, soit sur requête motivée du procureur du Faso, soit à la demande du juge initialement saisi. Il prévoit aussi la possibilité pour tout procureur du Faso de requérir par requête motivée, le dessaisissement du tribunal correctionnel au profit du Tribunal de grande instance Ouaga II qui dispose d’une chambre de jugement spécialisée.
Pour éviter les dessaisissements en cascade, il oblige la juridiction spécialisée saisie à la suite d’un dessaisissement d’une autre juridiction, à continuer la procédure jusqu’à son terme.
Il prévoit une dérogation aux dispositions de la loi 51/93/ADP du 16 décembre 1993 portant procédure applicable devant la chambre criminelle en permettant à ladite chambre de siéger sans les jurés.
Ce chapitre prévoit aussi la possibilité de recourir aux assistants spécialisés des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières et la criminalité organisée, pour participer aux procédures sous la responsabilité des magistrats.
Le chapitre 4 établit des dispositions transitoires et finales.
Ce chapitre prévoit que dans l’attente de la création d’une unité de police judiciaire spécialisée, les officiers et agents de police judiciaire désignés par les magistrats du pôle judiciaire spécialisé pour réaliser les enquêtes en matière de terrorisme appartiennent aux unités de recherche de la police et de la gendarmerie nationales.
Il prévoit en outre que le Tribunal de grande instance Ouaga I reste compétent pour le traitement des affaires de terrorisme, jusqu’au fonctionnement effectif du tribunal de grande instance Ouaga II.
Cette loi créant un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme au sein du Tribunal de grande instance Ouaga II, permettra sans nul doute, un traitement plus diligent et plus efficace des dossiers de terrorisme et de financement du terrorisme.

CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Le Burkina Faso a connu ces dernières années des actes de terrorisme de plus en plus violents. La menace terroriste s’est progressivement élevée au point de devenir quotidienne. Les enlèvements de personnes de nationalités étrangères sur le territoire national, les attaques violentes de brigades de gendarmerie et de commissariats de police, les assassinats barbares, la prise d’otages dans un grand hôtel de Ouagadougou, minutieusement exécutés, ont établi la triste réalité de l’entrée en activité d’organisations terroristes au Burkina Faso. La revendication des derniers attentats par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), les révélations faites par certaines structures internationales et la presse sur la présence de nos compatriotes aux cotés des combattants terroristes du Nord-Mali et de Boko Haram achèvent de convaincre de la présence sur le territoire national de cellules terroristes très actives.
La permanence de la menace terroriste et la nécessité de recourir à des experts étrangers pour le recueil et le traitement d’éléments de preuve sur les scènes de crime mettent à jour le besoin de spécialisation de notre système judicaire dans le traitement des affaires de terrorisme.
La Politique Nationale de Justice révisée, document de référence du Ministère de la justice, des droits humains et de la promotion civique, renforcée par les engagements du Pacte national pour le renouveau de la justice, a inscrit le renforcement des capacités globales de la justice et la spécialisation des personnels judiciaires au titre des actions primordiales du département, pour une plus grande efficacité de la justice. Au regard de la survenance des actes de terrorisme et des exigences particulières de la lutte contre ce phénomène, la mise en place d’un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme s’impose.
PROCESSUS D’ELABORATION DU PROJET DE LOI
Pour faire face à la menace terroriste, le gouvernement burkinabè a proposé le projet de loi dont le processus d’élaboration a commencé avec les travaux d’un comité pluridisciplinaire composé de membres issus des administrations suivantes :
– le Ministère de la justice, des droits humains et de la promotion civique ;
– le Ministère de la fonction publique, du travail et de la protection sociale ;
– le Ministère de l’économie, des finances et du développement ;
– le Ministère du commerce, de l’industrie et de l’artisanat ;
– la Cellule nationale de traitement de l’information financière.
Puis, l’équipe technique élargie aux juridictions a peaufiné le draft proposé, qui a été validé en atelier les 9 et 10 mai 2016.
Outre les représentants du ministère, l’atelier a connu la participation effective des syndicats des magistrats, des représentants de la Cour d’appel de Ouagadougou, du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, de la Police nationale et de la Gendarmerie, ainsi que des membres de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF).
L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), l’Ordre des avocats et la Chambre de Commerce et d’Industrie n’ont pas participé à la réunion, quoique conviés.
Le projet de loi portant création, organisation et fonctionnement d’un pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme a été examiné et amendé par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) lors de sa session du 28 mai 2016 avant son adoption en conseil des ministres.
Ministère de la justice