Procès du putsch : extrait de la plaidoirie de Me Hervé Kam

« Monsieur le Président du Tribunal, Messieurs les juges,
Au moment où je prends la parole aux noms des victimes du Coup d’Etat sanglant du 16 septembre 2015, je suis convaincu qui si le 16 septembre 2015, l’on avait demandé aux 13 personnes tuées, ce qu’elles voulaient être le 14 juin 2019, elles auraient répondu en cœur : VIVANTS
Mais elles ne sont pas là. Elles ont été tuées. Paix à leurs âmes.
Monsieur le Président,
« Il y a un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures, un temps pour démolir et un temps pour construire », nous dit l’ecclésiaste.
De 1987 à 2015, le tristement célèbre RSP, né sur les cendres du CNEC avec sa tête le Général Gilbert DIENDERE a tué.
Il a tué Thomas SANKARA et 12 collaborateurs. Il a tué Jean Baptiste LINGANI et Henri ZONGO. Il a tué DABO Boukary. Il a tué Oumarou Clément OUEDRAOGO. Il a tué Norbert ZONGO, pour ne citer que ceux-là.
Les 30 et 31 octobre, il a tué des civils aux mains nues. Encore du 17 au 20 septembre 2015, il a tué, tué des civils.
C’était le temps pour tuer.
De 1987 à 2014, le régime COMPAORE a démoli.
Il a démoli la révolution. Il a démoli le burkindlum.
C’était le temps pour démolir.
Monsieur le Président,
« Il y a un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures, un temps pour démolir et un temps pour construire », disais-je.
Depuis le coup d’Etat du 16 septembre 2015, est venu le temps pour soigner les blessures : les blessures de la perte d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur, les blessures de la perte d’une mère ou d’un père, les blessures de la perte d’une vie tout simplement.
Depuis le 28 février 2018, est venu le temps de reconstruire : reconstruire des vies, reconstruire les bases de la vie commune, reconstruire une nation tout simplement.
Oui ! Il y a un temps pour tout.
Monsieur le Président, messieurs les juges,
Depuis le 28 février 2018, patiemment vous avez interrogé et écouté.
Pendant 16 mois, sans laisser paraître la moindre impression de fatigue, le moindre signe d’exaspération ou de lassitude, vous avez permis de reconstituer les faits graves, objets du procès.
Monsieur le Président,
Après ces 16 mois, il est aujourd’hui tout à fait possible de dire ce que ce procès n’est et au contraire, ce qu’il est en réalité.
Le procès du putsch n’est pas le procès de l’ex-RSP
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Pour vous en convaincre, regardez dans le box des accusés. Vous y verrez à peu près 70 personnes. Le RSP en comptait 1 300.
Autant tous les accusés ne sont pas des militaires de l’ex-RSP, autant tous les militaires de l’ex-RSP ne sont pas des accusés. Il y a parmi les accusés des civils : journaliste, avocat, hommes politiques, hommes d’affaires, etc.
Sans être le procès du RSP, les 16 mois de débats ont cependant permis de lever un coin de voile sur ce régiment qui a semé des peines. Tenez ça fait aussi RSP : Régiment pour Semer la Peine.
Monsieur le Président,
Au moment des faits, le RSP était de fait, commandé par le Général DIENDERE, qui pourtant, ne faisait pas partie de ses effectifs.
Le chef de corps du RSP n’avait pas la pleine autorité sur certains hommes du RSP. Souvenez-vous de ces sous-officiers qui ont retiré le véhicule d’un capitaine. Il ne s’est trouvé aucun officier pour les ramener à l’ordre. C’était comme cela au RSP.
Même le Chef d’état-major général de l’armée (CEMGA) n’avait aucune autorité sur le RSP.
En réalité, le RSP était une unité d’hommes armés, une sorte de milice au service d’un homme, Blaise COMPAORE.
Il y a beaucoup à dire sur ce sujet. Mais vous n’êtes pas saisi de cela. Vous ne jugez pas les errements de cette milice.
Ce n’est pas le procès du RSP, ni d’ailleurs celui du régime COMPAORE.
Le procès du putsch n’est pas le procès du régime COMPAORE
Monsieur le Président, messieurs les juges,
Les débats ont montré que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et le Front Républicain ont joué un rôle actif dans le putsch de septembre 2015. S’ils ne sont pas coauteurs, au moins, ils sont forcément complices.
M. Salifou SAWADOGO, l’un des rares accusés à avoir fait amende honorable, a raconté dans une relative sincérité comment son action au soutien du putsch s’inscrivait dans le cadre de son parti.
Dans la soirée du 16 septembre 2015, le Président en exercice du CDP a remis 15 millions de FCFA pour organiser le soutien au putsch. Mais le CDP n’est pas dans le box des accusés. Il est d’ailleurs actuellement en campagne pour revenir au pouvoir.
Il vous souviendra sans doute, ce communiqué du front républicain soutenant clairement le putsch du CND. En plus de cette déclaration, le front républicain a été « noyé d’argent » pour gérer le volet civil du coup d’état. Ces propos vous les avez écoutés dans une conversation du Capitaine DAO avec un certain ILBOUDO : « Nous on a dit AUX SOUTIENS POLITIQUES là, quand même faites l’effort de mobiliser vos militants ils vont déblayer les voies et chasser les enfants là … Eux même on les a noyés d’argent »
De façon certaine, l’on sait que l’argent est venu de la Côte d’Ivoire, beaucoup d’argent. Cet argent a été, pour partie, reparti entre les leaders du Front républicain.
Monsieur le Président,
Lors de la présentation des pièces à conviction, dans le sous dossier Delta, dans une conversation avec le Gl DIENDERE, feu Djeri MAIGA, vice-Président du MNLA au moment des faits dit ceci « J’ai eu Blaise, il m’a dit de tout mettre en œuvre à la frontière là-bas … Et de vous suivre, dès que tu vas nous dire de faire, on va faire ».
C’est le 23 septembre à 14h45mn.
Mais, Blaise COMPAORE n’est pas dans le box des accusés. Le CDP et le Front républicain ne sont pas dans le box des accusés. Le Président du CDP entendu dans le cadre de l’instruction préparatoire, a bénéficié d’un non-lieu.
Non ce procès n’est pas le procès du clan COMPAORE. Aucun accusé n’est dans le box en raison de son appartenance au clan COMPAORE. Tous, ont commis des faits matériels constitutifs d’infractions tel qu’il a été brillamment démontré par mes confrères de la partie civile depuis le 11 juin 2019.
C’est pour cela et rien d’autre qu’ils sont là. C’est cela, la réalité.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Nous avons entendu dans cette salle, des accusés se dire victimes de procès politique.
Nous avons entendu des burkinabé dénoncer un procès politique.
Non pas parce que les infractions poursuivies sont de nature politique, mais bien parce que selon eux, ce procès vise à écarter des opposants politiques. Selon eux, ceux qui ont soutenu le putsch n’ont fait qu’exprimer leurs opinions politique.
C’est une insulte à la mémoire des personnes tuées dans le putsch. C’est une méprise à la douleur des blessés ; c’est une injure à la démocratie.
Être opposant politique n’est pas une prime à l’impunité.
Devons-nous comprendre que des personnes auteurs d’actes punissables ne doivent pas être poursuivies, simplement parce qu’elles sont politiciennes ? Devons-nous comprendre que faire la politique est une garantie d’impunité ?
D’où vient-il alors que des personnes qui ont accomplis tous les actes constitutifs d’attentat à la sureté de l’Etat, de trahison, de meurtre, de coups et blessures volontaires, de dégradation volontaire aggravée invoquent le procès politique ?
Monsieur le Président,
Aucune opinion politique ne s’exprime par un coup d’état. Ni le meurtre, ni les coups et blessures volontaires, ni la torture, ni la violence ne sont des modes d’expression des opinions politiques.
Donner volontairement la mort, prendre des armes contre l’État, commettre la trahison, constituent les infractions les plus graves dans notre société. Commettre ces infractions juste pour le pouvoir constitue une circonstance aggravante.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Nous avons entendu dire que ce procès était un acte de vengeance et une justice des vainqueurs.
Votre juridiction ne serait donc qu’une main vengeresse. Votre juridiction ne serait donc que la marionnette d’un clan politique vainqueur et qui cherche à régler ses comptes.
Ces accusations sont en réalités un outrage à votre honneur et à votre serment. Mais convaincus de votre très grande sagesse, nous savons que vous n’en tiendrez aucun compte. C’est à votre honneur.
Monsieur le Président,
La vengeance est un acte individuel de passion et non de raison. Un Etat n’a ni passion, ni pulsion. Un Etat ne se venge pas.
S’il y avait eu vengeance, aucun élément du RSP ne serait ici comparant. Tous les putschistes auraient été sommairement exécutés.
ŒIL POUR ŒIL, DENT POUR DENT. Voici la loi qui leur aurait été appliquée. L’enquête préliminaire, l’instruction, le jugement, la condamnation et l’exécution de la peine, tout cela aurait été réglé depuis le 29 septembre 2015, comme ce fut le cas en octobre 1989 pour les Cdt Henri ZONGO et Jean Baptiste LINGANI.
La vengeance est la négation même de la « justice-institution » que vous incarnez. Les victimes n’en veulent pas. Ce procès ne peut donc être un acte de vengeance.
Le procès du putsch n’est pas la Justice des vainqueurs.
Je vois venir la défense, criant à la Justice de vainqueurs.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Dites-leur que le Tribunal militaire n’a pas été créé pour les besoins de ce procès.
Dites leur que le Tribunal militaire a été créé en 1994 alors même que ceux qui sont ici à la barre, étaient pour la plupart à l’apogée de leur pouvoir.
Dites leur en réponse à leurs cris d’orfraie, que la procédure applicable par le Tribunal militaire n’a pas été établie pour le procès du putsch de septembre 2015.
Dites leur que le Tribunal militaire applique la procédure pénale applicable à tous les justiciables de ce pays.
Dites leur que le fonctionnement du Tribunal militaire a été amélioré en 2017 et qu’ainsi, ils ont droit aux droits qu’ils n’ont pas daigné reconnaître aux autres, à ceux qu’ils ont jugé. Ils ont droit au double degré de juridiction, à l’assistance d’avocats y compris d’avocats étrangers, etc.
Dites leur enfin que le Tribunal militaire n’est pas une Justice des vainqueurs, parce qu’il n’y a pas de vainqueurs tout simplement dans cette affaire de putsch.
Le Burkina Faso a payé et continue de payer un lourd tribut dans cette affaire.
En réalité, ce procès est la porte qui conduira le Burkina Faso vers son avenir, un avenir qui doit se bâtir sur le socle de la responsabilité et non de l’impunité.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Ce procès est avant tout le procès d’un coup d’Etat.
Qui au Burkina Faso ne sait pas qu’il y a eu un coup d’Etat dans notre pays le 16 septembre 2016 ?
Qui au Burkina Faso ne sait pas que ce coup d’état a été commis par les éléments de l’ex RSP ?
Qui au Burkina ne sait pas que le Général DIENDERE était le Président du CND, régime des putschistes ?
Qui au Burkina ne sait pas que ce coup d’état a fait 13 morts, plus de 350 blessés et des dégâts matériels importants ?
Personnes ! Personnes ! Personnes, M. le Président !
« C’est un mal d’œil et non un mal de ventre ». Que celui qui veut voir, voit.
Le monde entier a été témoin, non seulement du coup d’Etat, mais aussi et surtout de la violence discriminée qui l’a caractérisée. C’est pour cela que nous disons et nous réaffirmons que ce procès est aussi le non, un non ferme, irréversible et non négociable du Burkina Faso à l’impunité.
Monsieur le Président,
Vous jugez pour dire non à l’impunité. Vous jugez pour permettre au Burkina de tourner la page, une des pages les plus sombres de son histoire.
Monsieur le Président,
J’entends le Gl DIENDERE dire dans un audio, à un militant du CDP : « Moi je l’ai fait, mais vous ne m’avez pas suivi » ;
Mes oreilles raisonnent encore de la voix du Général Dijbril BASSOLE disant à Guillaume SORO, « Il faut frapper de manière que même si on recule, les dégâts qu’on a causés là sont que les choses ne peuvent plus revenir à la situation antérieure. »
Oui j’entends et je cherche à comprendre la détermination aveugle avec laquelle Dame DIAWARA Fatoumata a incité au chaos. « Sortez …. si vous prenez la ville en main, n’hésitez pas à tirer, même sur les chars, si vous limez deux chars, je suis certains qu’ils s’en fuiront…. », disait-elle au sergent Saboué Massa.
J’entends le témoignage concordant des membres de la délégation des sages (Pdt Jean Baptiste OUEDRAOGO, Mgr Paul OUEDRAOGO, Gl ZAGRE et Col MONE) : « Ils ont dit qu’ils ne vont libérer aucun membre du gouvernement de la transition et qu’en cas d’attaque, ils mourraient ensemble et que si on ne faisait pas attention, on ne sortirait pas vivant du camp ».
J’entends le Col Abdoul Karin Traoré planifier avec Djéri MAIGA, vice-président du MNLA, une intervention de rebelles maliens à Ouagadougou « une action actuellement ça ne rapporte rien … si c’est que les gens attaquent maintenant nos éléments vous pouvez venir les aider … »
J’entends M. Sidi Lamine Oumar inciter le Général DIENDERE de résister, lui offrant même de mourir avec lui. Je l’entends proposer au Général un appui en hommes déjà positionnés à Ouagadougou.
Et tout ça, rien que pour le pouvoir…
« Nous sommes à Kossyam » disait le Général BASSOLE
« On prend et on est assis », renchérissait Guillaume Soro ;
« Mon père Président, c’est historique… » Disait le fils du Général DIENDERE
Monsieur le Président,
L’on ne peut se permettre de commettre de tels crimes, si graves et si odieux, simplement pour prendre le pouvoir, pour jouir et se réjouir du pouvoir.
Des éléments de l’ex RSP se sont rendus coupables du crime de trahison en prenant les armes contre l’Etat. En prenant les armes contre le Président de la Transition, les membres du gouvernement et la population civile, c’est contre l’Etat qu’ils ont pris les armes.
Les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE, le bâtonnier TRAORE Mamadou, M. Adama OUEDRAOGO dit Damiss, Léonce KONE, Hermann YAMEOGO les y ont incité, aidé et assisté.
Les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE ainsi que la dame Fatoumata DIAWARA ont aussi entretenu des intelligences avec la Côte d’Ivoire et avec des groupes rebelles maliens pour les inciter à entreprendre des hostilités contre le Burkina Faso.
Rappelez-vous monsieur le Président : les hommes promis depuis la Côte d’Ivoire, 1000 chiens disait le Colonel Zakaria KONE et le Nord Mali, l’argent venus de la Côte d’Ivoire, la tentative depuis le Togo d’envoyer des Hommes, les conseils du Gl Vagondo BAKAYOGO, tendant à prendre le contrôle de l’aéroport pour faciliter l’appui extérieur.
Des militaires du RSP, sur leur instruction ont tiré sur la population civile burkinabé. Le RSP est entré en rébellion contre le Burkina Faso.
Le peuple burkinabé n’a eu son salut que grâce au civisme de l’armée, l’armée régulière. Défiants tous les risques, mettant leur vie au service du peuple, des militaires sont descendus sur Ouagadougou, avec une seule conviction : « la patrie ou la mort, nous vaincrons ».
Et ils ont vaincu. Avec le peuple, et pour le peuple, ils ont vaincu.
Monsieur le Président,
Se débarrasser du régime de la transition, qui a éconduit leur mentor du pouvoir était pour les accusés une raison valable et suffisante, pour tuer et pour détruire.
Certains accusés n’en ont pas fait mystère, ni avant, ni au cours du procès. Leur refus de faire acte de repentance, montre si besoin en était encore, que si c’était à refaire, ils le referaient, sans état d’âme.
Sont de ceux-là :
Les officiers : Général DIENDERE Gilbert, le Gl BASSOLE Djibril, le Col maj. KERE Boureima, le Col Abdoul Karim TRAORE, le Capitaine DAO Abdoulaye, le Lt ZAGRE Boureima, le Lt Lymon K. Jacques
Les sous-officiers et soldats : KOUSSOUBE Roger, ZERBO Laoko, SOULAM Seydou, DA Sami, PAGBELEM Amidou, KABORE Adama, LY Amadou, SABOUE Moussa, PODA Ollo, Guessongo, NEBIE Adoul Nafion et MOUKORO Pascal.
Les civils : KONE Léonce, YAMEOGO Hermann, Dame DIAWARA Fatoumata, OUEDRAOGO Adama dit Damis, Me TRAORE Mamadou, BAGUIAN Abdoul Karim dit Lotta, GUELWARE Minata, Sidi Lamine, NANEMA Faysal
Monsieur le Président,
Un criminel impénitent ne peut bénéficier d’aucune bienveillance de la loi. Là aussi, votre juridiction s’en souviendra le moment venu.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Ce qui s’est passé les 16 septembre et jours suivants, n’était pas seulement un coup d’état. C’était un acte de vengeance et de restauration.
En effet, les accusés ont voulu par ce coup d’état, régler leur compte au régime de la transition et à toutes les personnes qui oseraient s’opposer à la restauration d’un passé, qu’eux seuls ne savaient pas, dépassé. Les débats vous ont permis de mesurer la haine qui habitait les putschistes à l’égard du régime de la Transition. Aveuglés par cette haine, ils ont froidement tué, dans des scènes dont l’horreur dépasse l’entendement humain.
Monsieur le Président,
Il y a meurtre quand une personne tue volontairement.
Le 17 septembre 2015, dans leur folie meurtrière, les putschistes ont volontairement tué 4 personnes.
Ils ont tué BAZIE Badama d’une balle dans son dos alors qu’il était dans son quartier à Hamdalaye. Il avait seulement 25 ans ;
Ils ont tué KABORE Angèle, devant son domicile au secteur n° 16 (arrondissement 3), d’une balle dans la poitrine. Elle avait un enfant de 9 mois ;
Ils ont tué YELNONGO Salfo, de 4 balles, alors qu’il était à son lieu de travail à côté de l’Ecole Nationale des Douanes ;
Ils ont tué BARRY Nouhou d’une balle dans le dos, au niveau du Lycée Philippe Zinda KABORE.
Le vendredi 18 septembre ils ont tué 6 personnes.
Ils ont tué YODA Jean Baptiste d’une balle dans la tête alors qu’il jouait au ballon avec ses camarades sur un terrain vague appelé Gouroum-pompe, du quartier Taabtenga au secteur 44. Il n’avait que 14 ans ;
Ils ont tué par balle KOLOGO Apollinaire, aux abords de la route bitumée devant l’ENAREF. Il portait un T-shirt noir ….
Ils ont aussi tué YODA Issouf devant l’hôtel Central à côté du grand marché. YODA Issouf était âgé de 27 ans ;
Ils ont encore tué par balle OUEDRAOGO Wendpingré Souleymane Madi dont le corps a été retrouvé à la morgue et RABO Yahaya âgé de 18 ans ;
Ils ont aussi tué TOURE T Mahamoudou, frappé d’une balle devant son domicile familial à Dapoya.
Ils ont aussi tué, ROUAMBA Abdoul-Razak Amédé Wendyam dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur la violence, l’extrême violence de ces fous du pouvoir. Abdoul-Razak est mort le 20 septembre de suite de coups portés par des éléments du Régiment pendant la résistance au putsch.
Monsieur le Président,
En faisant usage d’armes de guerre en pleine ville, en tirant à bout portant sur des civils sans armes avec des armes de guerre, les putschistes ne voulaient certainement pas les caresser. Non. Ils voulaient les tuer.
Tuer les uns pour décourager les autres, telle était la stratégie criminelle des putschistes.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Le coup d’état a fait 13 morts, mais il aurait pu faire plus. Les violences du RSP ont fait en 4 jours plus de 300 blessés dont vous avez vu certains passer à votre barre. Ils auraient tous pu mourir mais seule la providence ne l’a pas voulu.
Pendant l’examen des pièces à conviction, vous avez vu un échantillon, certes faible, mais un échantillon représentatif de la violence inouïe à laquelle la population de la ville de Ouagadougou a été soumise.
Monsieur le Président,
Souvenez-vous de cette victime, bastonnée, torturée à la cité AN 3 dont les images violentes et insoutenables ont été fournies par le doyen Raso.
Souvenez du témoignage vidéo, très émouvant du sieur SAWADOGO Amadou, battu et blessé par les éléments de l’ex RSP.
Souvenez-vous de cet autre jeune, expliquant ici à la barre comment il a été pris en tenaille par 2 éléments de l’ex RSP pendant qu’un troisième, lui envoyait à bout portant, une balle, certes blanche, mais qui aurait pu être fatale.
Souvenez de ce sapeur-pompier, qui en mission de sauvetage dans un véhicule de pompier, a été l’objet de tirs des militaires de l’ex RSP. Il a pris une balle à l’épaule. Une balle qui se trouve encore dans son corps.
Souvenez-vous de M. Kaboré alors garde du corps du Président KABORE, bastonné, torturé par des éléments du RSP et les thuriféraires des partis pro-putschistes. Il en porte toujours les séquelles.
Souvenez de madame OUEDRAOGO Safiatou, qui à domicile, étant presqu’à terme, a reçu une balle qui l’a transpercé pour aller se loger dans le vendre du bébé qu’elle portait en elle. C’est le comble de l’horreur et l’inhumanité.
Monsieur le Président,
Ce bébé dont le premier contact avec le monde extérieur a été les balles traitresses des militaires de l’ex RSP, aujourd’hui âgé de 4 ans, est venu à votre barre. Vous avez vu cet enfant, elle n’a pas ouvert la bouche. Mais il est des moments où les paroles sont inutiles…
La petite est venu ici vous dire par sa présence que personne n’était à l’abri.
La liste est longue, Monsieur le Président, messieurs les juges.
Mais est-il besoin de continuer ? Assurément non.
Vous avez un excellent dossier qui contient l’ensemble des éléments de ces infractions.
Vous avez un excellent dossier pénal, constitué de preuves accumulées par près de 30 mois d’instruction et 16 mois de débats ici à l’audience.
Monsieur le Président, messieurs les juges,
L’histoire politique du Burkina est jalonnée de crimes impunis.
« Si tu fais, on te fait et il n’y a rien ». Voici le paradigme politique des rectificateurs qui était aussi la devise du RSP.
Ainsi, de 1987 à 2014, ils ont fait de nombreux burkinabé. Il n’y rien eu. Ils ont donc continué à faire des burkinabé et il n’y avait toujours rien.
Puis, vint l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014. Malheureusement ou peut-être heureusement, ils n’en ont pas compris le message. Pour eux s’il y a eu insurrection, c’est parce qu’ils n’ont pas fait ceux qui l’ont fait.
C’est ainsi que le 16 septembre 2015 et jours suivants, pour installer leur coup d’état, ils ont fait des burkinabé. Ils ont tué, ils ont torturé et blessé ; ils ont volontairement détruit des biens.
Ils ont cru que comme toujours, il n’y aura rien.
Mais ils avaient oublié la sagesse africaine qui nous apprend que « Tous les jours appartiennent aux voleurs, mais un seul jour au propriétaire ».
Aujourd’hui c’est le jour du propriétaire. Ils doivent répondre, un point c’est tout.
Monsieur le Président,
Sans sanction, il n’y a point de droit et, sans droit, il n’y a point d’Etat de droit.
Sans sanction, il n’y a point de responsabilité et sans responsabilité, il n’y a point de vivre ensemble.
Sanctionner un auteur d’infraction est un acte légitime. Oui ! Avec HEGEL, je pense que « ce qui ne serait pas légitime, ce serait que le criminel ne soit pas puni ».
Punir les criminels du putsch, ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, monsieur le Président. Punir les criminels du putsch, c’est les punir pour les actes qu’ils ont commis.
Punir les putschistes ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, mais pour que notre pays puisse se construire sur les fondements solides du respect de la loi.
Punir les putschistes, ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, mais pour que « plus jamais ça » au Burkina Faso.

L’observateur paalga

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.